Quinze

Elle répond doucement quand je lui demande si on lui a déjà implanté des embryons. Oui, il y en a eu quinze.

Avec son mari elle vient voir si une constellation peut faire quelque chose à leur infertilité non choisie. C’est lui qui m’a appellée. Et je le complimente pour ça, car souvent ce sont les femmes qui veulent essayer ma méthode pour avoir une vision claire sur ce sujet si pénible. Souvent les papas sont sceptiques et absents. Mais leurs représentants sont vifs, disponibles et vraiment là. Et l’espace fait son travail. Mais cela me touche à chaque fois, de voir un père qui participe. J’admire son courage du coeur. Qui le rend fragile et fort à la fois.

Je demande à la femme de chercher des représentants pour l’enfant du coeur, pour elle-même et pour son mari. Et nous voyons tout de suite qu’il se sont passé plein de choses sur leur chemin qui les a menés jusqu’à cet atelier. Beaucoup d’interventions humaines, beaucoup de procédures.
Quand le chiffre 15 sort, je prends mes petits morceaux de feutrine et je les pose par terre, un par un. Et je vois que l’enfant du coeur blémit un peu plus à chaque feutrine que je pose. Et il devient de plus en plus présent. Je laisse les représentants des parents se retirer, et rendre leurs places au couple qui s’intérroge, aux parents de cet enfant du coeur.

Je les invite à regarder le chemin parcouru jusqu’à cet instant. Ils regardent le chemin vers la parentalité. L’homme se tait, et elle commence à pleurer doucement. Je lui demande de regarder son mari et les larmes coulent. Il y a l’étonnement, sans jugement.
Je propose la phrase « je porte ça toute seule ». L’homme devient tout à fait visible et dit : je suis là. Je la laisse lui dire : « à partir de maintenant, je partage mon chagrin avec toi, et aussi ma solitude ».
L’enfant du coeur prend place en face d’eux, tout au bout de la rangée de figurines en feutrine qui sont par terre. Ces figurines lui appartiennent aussi. Je laisse les parents lui dire : “Le chagrin nous appartient, mais ces figurines font aussi partie de toi.”

Le hasard a fait qu’en dernier de cette rangée, j’ai poser des feutrines qui sont toutes de la même couleur. Il y en a 4. Je leur demande combien d’embryons sont prêts pour être implantés. Il y en a encore 4. Je les mets avec le représentant de l’enfant du coeur, et lui demande de se poser sur une des figurines. Elle dit ressentir qu’elle en fait partie. Et qu’elle sent de plus en plus sa présence dans le processus de ses parents depuis que la constellation a commencé. Elle se focalise sur son père.

Pour la mère, il y a un sentiment qui ressemble à de la honte, de voir autant d’embryons par terre, et en même temps, elle sent le vrai contact avec l’enfant du coeur. A la fin de ce travail, la honte disparait et fait place à un chagrin qui sort enfin. Qui se transforme en espoir et désir. La mère dit sa peur. Je lui explique que la peur ne laisse pas de place pour installer une nouvelle vie. La peur est entre elle et cette vie. Pour accueillir ce qui lui vient, il faut juste le désir et un coeur grand ouvert.

Les devoirs que je donne à la maman, est de demander à son mari de la prendre dans ses bras, 3 fois par jour. Pour chasser la peur et ressentir l’amour. Pour permettre que le voyage se fasse, du coeur vers le ventre, et vers la vie.

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